COMPRENDRE LA SOUFFRANCE DE NOS ANCÊTRES
Si nous sommes en crise ou que notre souffrance est très intense, nous devons nous occuper du besoin immédiat, c’est-à-dire de la crise. Quand notre énergie de pleine conscience aura atténué notre souffrance, nous pourrons alors commencer à examiner de manière plus approfondie sa nature et son origine. Un peu comme on le ferait pour un mal de tête: on commence par reconnaître sa présence, puis on cherche à comprendre ce qui a pu le causer, et cela nous aide à trouver le bon remède. La compréhension soulage ainsi notre souffrance et nous aide à la transformer en compassion.
Cultiver la compréhension est une importante pratique de pleine conscience qui consiste avant tout à comprendre la souffrance – la souffrance que nous portons en nous et celle des autres. Un être humain sans compréhension est un être humain sans compassion; il est terriblement seul, coupé des autres, isolé. Pour se relier aux autres, il faut toutefois être prêt à regarder en soi en profondeur.
Notre souffrance peut être due à des événements ou à des situations difficiles que nous avons vécus dans notre vie, mais elle peut aussi nous avoir été transmise par nos ancêtres. Si vous observez un épi de maïs, vous voyez qu’il pousse à partir d’une graine. Chaque grain de maïs, chaque feuille, contient cette graine originelle. Cette graine est présente dans chaque cellule de l’épi. De même que l’épi de maïs est la continuation de la graine de maïs, vous êtes la continuation de vos parents.
En regardant une photo de vous quand vous aviez cinq ans, vous pouvez vous demander: «Suis-je la même personne que cet enfant? » La réponse est: «Ni oui ni non. » Votre forme, vos sensations, vos perceptions, vos formations mentales et votre conscience ne sont plus tout à fait les mêmes que celles qui étaient les vôtres quand vous aviez cinq ans. De toute évidence, vous n’êtes pas exactement la même personne. Mais vous ne pouvez pas dire non plus que vous êtes une tout autre personne. Vous êtes la continuation de cet enfant.
Avant ma naissance, ma mère a fait une fausse couche. Cet enfant qui n’est pas venu, était-il mon frère ou était-ce moi? Nous ne sommes pas identiques, mais nous ne sommes pas complètement différents non plus. Mes pieds m’ont été transmis par mes ancêtres. Quand je marche, je marche avec mes pieds, mais ces pieds sont aussi leurs pieds. Je vois la main de ma mère dans ma main. Je vois les bras de mon père dans mes bras. Je suis la continuation de mes parents.
Ceux qui ont perdu leurs parents ou ne les ont jamais connus ne peuvent pas se relier à eux physiquement. D’autres ont grandi avec leurs parents, qui sont toujours en vie, mais il n’y a pas de communication entre eux. Dans tous ces cas de figure, même si vous n’avez pas de relation régulière avec vos parents ou avec vos ancêtres, votre corps et votre esprit contiennent aussi leur souffrance et leurs espoirs.
Si vous avez de la souffrance en vous sans savoir d’où elle vient, peut-être découvrirez-vous en pratiquant le regard profond qu’elle est la souffrance de vos ancêtres et que, si cette souffrance s’est transmise de génération en génération, c’est parce que personne ne savait comment la reconnaître, la prendre dans ses bras et en prendre soin. Ce n’est pas votre faute, ni leur faute.
De nombreuses personnes sont en colère contre leurs parents à cause de la souffrance qu’elles ont vécue dans leur enfance. «Cet homme, je ne veux rien avoir à faire avec lui», disent-elles. Vous pensez peut-être que votre père est extérieur à vous, mais votre père est aussi en vous. Votre père est présent dans chaque cellule de votre corps. Vous ne pouvez pas enlever votre père de vous-même. C’est impossible. Quand il souffrait, cela vous faisait souffrir; et quand vous souffrez, il souffre. Quand vous êtes en colère contre votre père, c’est contre vous-même que vous êtes en colère. La souffrance du parent est la souffrance de l’enfant. Avec la pratique du regard profond, vous pourrez transformer cette souffrance et rompre le cycle.
Regarder profondément notre souffrance, c’est savoir qu’elle n’est pas seulement la nôtre. Et quand nous prenons soin de notre souffrance, nous prenons soin, en même temps, de celle de nos ancêtres, la guérison s’effectuant alors sur plusieurs générations. Quand nous pratiquons la respiration consciente pour reconnaître notre souffrance, l’embrasser et la transformer, nous le faisons pour nos ancêtres et pour nous-mêmes, ce qui nous permet de guérir non seulement notre propre souffrance et celle de nos ancêtres, mais aussi d’éviter de la transmettre à ceux que nous aimons, à nos enfants et à leurs enfants.
EXPLORER NOTRE PEUR
La souffrance de la peur est une souffrance inutile dont il est possible de se défaire. Nous sommes si nombreux à souffrir constamment de peurs inutiles – que ce soit la peur de mourir, la peur d’avoir faim, la peur qu’il arrive un malheur, la peur de la perte, la peur des conséquences d’une erreur que nous aurions commise, ou la peur d’être blessés par une personne qui nous est chère ou de la blesser.
De nombreuses personnes souffrent de la peur de mourir. Le fait est que nous cesserons tous de vivre un jour. Nous avons peur de l’anéantissement. Nous ne voulons pas passer de l’être au non-être. Cela peut se comprendre. Si vous pensez qu’un jour vous cesserez totalement d’exister, cela peut sembler très effrayant. Mais si vous prenez le temps de calmer votre corps et votre esprit, et pratiquez le regard profond, vous découvrirez peut être que vous mourez en cet instant même. Vous pensez que vous mourrez dans quelques années, ou dans vingt ou trente ans, mais, en réalité, vous n’en savez rien. Vous mourez en ce moment même. En réalité, vous mourez à chaque instant, et c’est très agréable de mourir, car c’est aussi vivre.
De nombreuses cellules de votre corps sont en train de mourir pendant que vous Lisez ces lignes. Cinquante à soixante-dix milliards de cellules meurent chaque jour chez un être humain adulte. Vous n’avez pas le temps d’organiser des funérailles pour toutes ces cellules! En même temps, de nouvelles cellules naissent, et vous n’avez pas le temps non plus de leur souhaiter un joyeux anniversaire. Si les vieilles cellules ne mouraient pas, les nouvelles ne pourraient pas naître. La mort est donc une bonne chose, car elle est essentielle pour la naissance. Vous vivez la naissance et la mort à chaque instant.
Si la plupart des gens ont très peur de mourir, certains n’ont plus envie de vivre. Ils n’en peuvent plus au bout de cinquante ou soixante-dix ans, voire dès vingt ou trente ans. La vie leur semble insupportable, et ils recherchent le non-être. Certains pensent que le suicide est une façon de mettre fin à la souffrance et de passer du royaume de l’être au non-être. Ces idées préconçues ajoutent de la souffrance, car elles font fi de la réalité. La vie va toujours de pair avec la mort; vous ne pouvez pas les dissocier. Même après ce que l’on appelle «la mort», vous continuerez à exister sous une autre forme.
La pratique du regard profond permet de déconstruire de telles notions. Il n’y a ni naissance ni mort; tout se renouvelle à chaque instant. Quand vous aurez acquis ce genre de vision profonde, vous ne serez plus en proie à la peur.
VOTRE ASPIRATION VÉRITABLE
Lorsque nous vivons dans la peur, nous mettons toute notre énergie à prévenir l’événement tant redouté et nous en oublions que la joie est possible dans un monde imprévisible. Nous pensons que c’est seulement après avoir obtenu tel diplôme ou décroché le poste que nous convoitons depuis des années que nous pourrons nous sentir en sécurité et éprouver le sentiment d’avoir réussi. Certaines personnes sont victimes de cette conception de la réussite. Elles parviennent à atteindre leurs objectifs, mais se retrouvent, un jour, prisonnières d’une situation qu’elles n’avaient pas anticipée. Quoi qu’il en soit, personne ne peut être victime de son bonheur!
Bien que nous ayons aujourd’hui, pour la plupart d’entre nous, un toit sur la tête et suffisamment à manger, sans avoir à craindre des bombardements, nous sommes nombreux à souffrir; et c’est bien souvent parce que nous avons oublié notre aspiration la plus profonde.
Nous sommes nombreux à vivre sans conscience ou sans intention. Nous nous fixons une direction et nous y tenons, mais nous oublions de nous arrêter pour nous demander si nous réalisons nos buts les plus importants en suivant cette voie. Cela tient en partie à notre idée que le bonheur est impossible ici et maintenant, comme s’il fallait s’affairer et se démener maintenant pour être heureux plus tard, comme s’il fallait différer le bonheur et nous projeter dans l’avenir pour y trouver les conditions du bonheur qui nous manquent maintenant.
En inspirant et en ramenant votre esprit dans votre corps, vous pourrez reconnaître immédiatement les nombreuses conditions du bonheur qui sont déjà là. Et, en regardant profondément votre aspiration véritable, vous comprendrez peut-être que vous n’avez pas besoin de vous projeter dans l’avenir pour être heureux. Nous avons tous l’habitude de courir, tous. Cette habitude qui génère des tensions, non seulement dans le corps, mais aussi dans l’esprit, est la principale cause de notre souffrance.
Bon nombre de personnes pensent que pour être heureux, il faut exercer un pouvoir, être célèbre, avoir beaucoup d’argent et profiter des plaisirs des sens. Or nous connaissons tous des personnes qui ont toutes ces choses, mais qui ne sont pas heureuses pour autant. Ces objets de désir ne sont pas les véritables conditions du bonheur. Avec le regard profond, nous pouvons reconnaître cette énergie qui nous pousse à courir et imaginer comme notre vie serait différente si nous n’étions plus affairés en permanence.
Nous avons tous une volition, une forte motivation qui nous nourrit et qui, lorsqu’elle est bénéfique, nous apporte de la joie. J’ai su, à l’âge de douze ans, que je voulais devenir moine. À l’âge de seize ans, j’ai quitté ma mère et ma famille pour être ordonné moine novice. J’aimais énormément ma mère. Je voulais rester près d’elle, mais, en même temps, je savais que mon plus grand bonheur serait de mener une vie de moine. J’allais devoir sacrifier les bons moments que j’aurais pu passer avec ma mère; et cela me rendait triste, mais je n’ai pas laissé la peur de la perte me retenir, parce que je savais que j’allais réaliser mon aspiration véritable.
Si nous ne prenons pas le temps de nous arrêter, de revenir en nous-mêmes et de regarder les choses en profondeur, nous ne saurons pas ce qui nous rend vraiment heureux. Nous pouvons ainsi avoir fait une belle carrière dans un domaine et découvrir, par exemple, que notre aspiration la plus profonde est de travailler dans un autre domaine ou d’aider les gens autrement. D’où la nécessité de s’arrêter et de se demander: «Puis-je réaliser mon aspiration la plus profonde en poursuivant dans cette voie?» ou « Qu’est-ce qui m’empêche de prendre la voie à laquelle j’aspire vraiment?»
Cher Laurent,
Merci du beau partage de ce dimanche, et du choix excellent, du texte…
Meilleures pensées à ton épouse.
Bonne semaine.
Roland
Moi aussi je trouve que tu as choisi un très beau texte , Laurent. A méditer x fois encore et encore !!
Je laisse mon tel. à qui de la sangha voudrait me contacter : 0473112376
Serai probablement absente plusieurs semaines vu mon projet de retraite dès ce 20 septembre .